samedi 10 mai 2008

ISAAC NEWTON : LES PRINCIPIA (sources) "Il faut distinguer le temps, l'espace, le lieu & le mouvement, en absolus & relatifs, vrais & apparents ..."

Traduit par la citoyenne Gabrielle Émilie (de) Breteuil

ci devant marquise du Châtelet

(traduction revue par M. Clairaut)

ISAAC NEWTON

PHILOSOPHIAE NATURALIS PRINCIPIA MATHEMATICA

PRINCIPES MATHÉMATIQUES DE LA PHILOSOPHIE NATURELLE


Extraits

(pages 7 à 14 de l'édition française)

(frappe dactylographique YT : ceci n'est pas une copie de référence, c'est un outil de travail au vu de l'incompétence des organismes "responsables")
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DÉFINITIONS (...)

p. 7 [ajouter 50 pages à l'édition Châtelet de la BNF]

SCHOLIE

Je viens de faire voir le sens que je donne dans cet Ouvrage à des termes qui ne sont pas communément usités. Quant à ceux de temps, d'espace, de lieu & de mouvement, ils sont connus de tout le monde; mais il faut remarquer que pour n'avoir considéré ces quantités que par leurs relations à des choses sensibles, on est tombé dans plusieurs erreurs.

(p. 8) Pour les éviter, il faut distinguer le temps, l'espace, le lieu & le mouvement, en absolus & relatifs, vrais & apparents, mathématiques & vulgaires.

I Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d'extérieur, coule uniformément, & s'appelle durée. Le temps relatif, apparent et vulgaire, est cette mesure sensible & externe d'une partie de durée quelconque (égale ou inégale) prise du mouvement : telles sont les mesures d'heures, de jours, de mois, &c, dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai.



II. L'espace absolu, sans relation aux choses externes, demeure toujours similaire & immobile. L'espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l'espace absolu, laquelle tombe sous nos sens par la relation aux corps, & que le vulgaire confond avec l'espace immobile. C'est ainsi, par exemple, qu'un espace, pris en dedans de la terre ou dans le ciel, est déterminé par la situation qu'il a à l'égard de la terre. L'espace absolu & l'espace relatif sont les mêmes d'espèce & de grandeur; mais ils ne le sont pas toujours de nombre; car, par exemple, lorsque la terre change de place dans l'espace, l'espace qui contient notre air demeure le même par rapport à la terre, quoique l'air occupe nécessairement les différentes parties de l'espace dans lesquelles il passe, & qu'il en change réellement sans cesse.


I Tempus absolutum verum & Mathematicum, in se & natura sua absq; relatione ad externum quodvis, aequabiliter {sluit}, alioq; nomine dicitur Duratio; relativum apparens & vulgare est sensibilis & externa quaevis Durationis per motum mensura, (seu accurata seu inaequabilis) qua vulgus vice veri temporis utitur; ut Hora, Dies, Mensis, Annus.


II Spatium absolutum natura sita absq; relatione ad externum quodvis semper manet similare & immobile; relativum est spatii hujus mesura seu dimensio quaelibet mobilis, quae a sensibus nostris per situm suum ad corpora definitur, & a vulgo pro spatio immobili usurpatur : uti dimentio spatii subterranei, aerei vel caelestis definita per situm suum ad Terram. Idem sunt spatium absolutum & relativum, specie & magnitudine, sed non permanent idem semper numero. Nam si Terra, verbi gratia, movetur, spatium Aeris nostri quod relative & respectu Terrae semper manet idem, nunc erit una pars spatii absoluti in quam Aer transit, nunc alia pars ejus, & sic absolute mutabitar perpetuo.


III. Le lieu est la partie de l'espace occupée par un corps, & par rapport à l'espace, il est ou relatif ou absolu. Je dis que le lieu est une partie de l'espace, & non pas simplement la situation du corps, ou la superficie qui l'entoure : car les solides égaux ont toujours des lieux égaux, quoique leurs superficies soient souvent inégales, à cause de la dissemblance de leurs formes ; les situations, à parler exactement, n'ont point de quantité, {se} font plutôt des {affections} des lieux que des lieux proprement dits. De même que le mouvement ou la translation du tout hors de (p.9) son lieu est la somme des mouvements ou des translations des parties hors du leur ; ainsi le lieu du tout est la somme des lieux de toutes les parties, & ce lieu doit être interne, & être dans tout le corps entier (& propterea internus & in corpore toto)


III. Locus est pars spatii quam corpus occupat, estq; pro ratione (p. 6) spatii vel absolutus vel relativum. Pertem dico spatii, non situm corporis vel superficiem ambientem. Nam solidorum aequalium aequales semper sunt loci; Superficies autem ob dissimilitudinem figurarum ut plurimum inaequales sunt; {situs} vero proprie loquendo quantitatem non habent, neq; tam sunt loca quam affectiones locorum. Motus totius idem est cum summa motuum partium, hoc est, tranlatio totius de {ipsius} loco eadem cum summa translationum partium de locis suis, adeoq; locus totius idem cum summa locorum partium, & propterea internus & in corpore toto.


IV Le mouvement absolu est la translation des corps d'un lieu absolu dans un autre lieu absolu, & le mouvement relatif est la translation d'un lieu relatif dans un autre lieu relatif; ainsi, dans un vaisseau poussé par le vent, le lieu relatif d'un corps est la partie du vaisseau dans laquelle ce corps se trouve, ou l'espace qu'il occupe dans la cavité du vaisseau; & cet espace se meut avec le vaisseau; & le repos relatif de ce corps est la permanence dans la même partie de la cavité du vaisseau. Mais le repos vrai du corps est la permanence dans la partie de l'espace immobile, où l'on suppose que se meut le vaisseau et tout ce qu'il contient. Ainsi, si la terre était en repos, le corps qui est dans un repos relatif dans le Vaisseau aurait un mouvement vrai et absolu, dont la vitesse serait égale à celle qui emporte le vaisseau sur la surface de la terre; mais la terre se mouvant dans l'espace, le mouvement vrai et absolu de ce corps est composé du mouvement vrai de la terre dans l'espace immobile, et du mouvement relatif du vaisseau sur la surface de la terre; & si le corps avait un mouvement relatif dans le vaisseau, son mouvement vrai et absolu serait composé de son mouvement relatif dans le vaisseau, du mouvement relatif du vaisseau sur la terre, et du mouvement vrai de la terre dans l'espace absolu. Quant au mouvement relatif de ce corps sur la terre, il serait formé dans ce cas de son mouvement relatif dans le vaisseau, & du mouvement relatif du vaisseau sur la terre.

En sorte que si la partie de la terre où se trouve ce vaisseau avait un mouvement vrai vers l'orient, avec une vitesse divisée en 10010 parties : que le vaisseau fut emporté vers l'occident avec 10 parties de cette vitesse; et que le pilote se promenât dans le vaisseau vers l'orient, avec une partie de cette même vitesse : ce pilote aurait un mouvement réel et absolu dans l'espace immobile (p. 10), avec 10001 parties de vitesse vers l'orient, & un mouvement relatif sur la terre vers l'occident avec 9 parties de vitesse.. On distingue en astronomie le temps absolu du tempos relatif Par l'équation du temps. Car les jours naturels sont inégaux, quoi qu'on les prenne communément pour une mesure égale du temps; & les Astronomes corrigent cette inégalité, afin de mesurer les Mouvements célestes par un temps plus exact. Il est très possible qu'il n'y ait point de mouvement parfaite- Ment égal, qui puisse servir de mesure exacte du temps; car tous Les mouvements peuvent être accélérés & retardés, mais le temps Absolu doit toujours couler de la même manière. La durée ou la persévérance des choses est donc la même, soit que les mouvements soient prompts, soit qu'ils soient lents, & elle serait encore la même, quand il n'y aurait aucun mouvement; ainsi il faut bien distinguer le temps de ses mesures sensibles, & c'est ce qu'on fait par l'équation astronomique. La nécessité de cette équation dans la détermination des Phénomènes se prouve assez par l'expérience des horloges à pendule, & par les observations des Éclipses des satellites de Jupiter. L'ordre des parties de l'espace est aussi immuable que celui des parties du temps; car si les parties de l'espace sortaient de leur Lieu, ce serait, si l'on peut s'exprimer ainsi, sortir d'elles-mêmes. Les temps & les espaces n'ont pas d'autres lieux qu'eux-mêmes, & ils sont les lieux de toutes les choses. Tout est dans le temps, quant à l'ordre de la succession : tout est dans l'espace, quant à l'ordre de la situation. C'est là ce qui détermine leur essence, & il serait absurde que les lieux primordiaux se {mussent}. Ces lieux sont donc les lieux absolus, & la seule translation de ces lieux fait les mouvements absolus.

Comme les parties de l'espace ne peuvent être vues ni distinguées les unes des autres par nos sens, nous y suppléons par des mesures sensibles. Ainsi nous déterminons les lieux par les positions (p. 11) & les distances à quelque corps que nous regardons comme immobile, & nous mesurons ensuite les mouvements des corps par rapport à ces lieux ainsi déterminés : nous nous servons donc des lieux & des mouvements relatifs à la place des lieux & des mouvements absolus; & il est à propos d'en user ainsi dans la vie civile; mais dans les manières philosophiques, il faut faire abstraction des sens; car il se peut faire qu'il n'y ait aucun corps véritablement en repos, auquel on puisse rapporter les lieux & les mouvements. Le repos & le mouvement relatifs & absolus sont distingués par leurs propriétés, leurs causes & leurs effets. La propriété du repos est que les cops véritablement en repos y sont les uns à L'égard des autres. Ainsi, quoi qu'il soit possible qu'il y ait quel- Que corps dans la région des fixes, ou beaucoup au-delà, qui Soit dans un repos absolu, comme on ne peut pas connaître par La situation qu'ont entr'eux les corps d'ici-bas, si quelqu'un de Ce corps conserve ou non sa situation par rapport à ce corps Éloigné, on ne saurait déterminer, par le moyen de la situation que ces corps ont entr'eux, s'ils sont véritablement en repos. La propriété du mouvement est que les parties qui conservent des positions données par rapport aux touts participent aux mouvements de ces touts; car si un corps se meut autour d'un axe, toutes ses parties font effort pour s'éloigner de cet axe, & s'il a un mouvement progressif, son mouvement total est la somme des mouvements de toutes ses parties. De cette propriété il suit, que si un corps se meut, les corps qu'il contient, & qui sont par rapport à lui dans un repos relatif, se meuvent aussi; & par conséquent le mouvement vrai & absolu ne saurait être défini par la translation du voisinage des corps extérieurs, que l'on considère comme en repos. Il faut que les corps extérieurs soient non seul- ment regardés comme en repos, mais qu'ils y soient véritablement :
autrement les corps qu'ils renferment, outre leur translation (p. 12) du voisinage des ambiants, participeront encore au mouvement vrai des ambiants, & s'ils ne changeaient point de position par rapport aux parties des ambiants, ils ne seraient pas pour cela véritablement en repos. Les corps ambiants sont à ceux qu'ils contiennent, comme toutes les parties extérieures d'un corps sont à toutes les parties intérieures, ou comme l'écorce et le noyau. Or l'écorce étant mue, le noyau se meut aussi, quoiqu'il ne Change point sa situation par rapport aux parties de l'écorce qui l'environnent. Il suit de cette propriété du mouvement qu'un lieu étant mû, tout ce qu'il contient se meut aussi, & par conséquent qu'un Corps qui se meut dans un lieu mobile, participe au mouvement de ce lieu. Tous les mouvements qui s'exécutent dans des lieux mobiles ne sont donc que les parties des mouvements entiers & absolus. Le mouvement entier & absolu d'un corps est composé du mouvement de ce corps dans le lieu où l'on le suppose, du mouvement de ce lieu dans le lieu où il est placé lui-même, & ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on arrive à un lieu immobile, comme dans l'exemple du Pilote dont on a parlé ci-dessus. Ainsi les mouvements entiers et absolus ne peuvent se déterminer qu'en les considérant dans un lieu immobile : & c'est pourquoi j'ai rapporté ci-dessus les mouvements absolus à un lieu immobile, & les mouvements relatifs à un lieu mobile. Il n'y a de lieux immobiles que ceux qui conservent à l'infini dans tous les sens leurs situations respectives; & ce sont ces lieux qui constituent l'espace que j'appelle immobile. Les causes par lesquelles on peut distinguer le mouvement vrai du mouvement relatif sont les forces imprimées dans les corps pour leur donner le mouvement: car le mouvement vrai d'un corps ne peut être produit ni changé que par des forces imprimées à ce corps même; au lieu que son mouvement relatif peut être produit & changé, sans qu'il éprouve l'action d'aucune (p. 13) force : il suffit qu'il y ait des forces qui agissent sur les corps par rapport aux quels on le considère, puisque ces corps étant mûs, la relation dans laquelle consiste le repos ou le mouvement relatif change, de même, le mouvement absolu d'un corps peut changer, sans que son mouvement relatif change;
car si les forces qui agissent sur ce corps agissaient en même temps sur ceux par rapport auxquels on le considère, & en telle sorte que les relations restassent toujours les mêmes, le mouvement relatif, qui n'est autre chose que ces relations, ne changerait point. Ainsi le mouvement relatif peut changer, tandis que le mouvement vrai & absolu reste le même, & il peut se conserver aussi, quoique le mouvement absolu change; il est donc sur que le mouvement absolu ne consiste point dans ces sortes de relations. Les effets par lesquels on peut distinguer le mouvement absolu du mouvement relatif, sont les forces qu'ont les corps qui tournent pour s'éloigner de l'axe de leur mouvement; car dans le mouvement circulaire purement relatif, ces fores sont nulles, & dans le mouvement circulaire vrai & absolu elles sont plus ou moins grandes, selon la quantité du mouvement. Si l'on ait tourner en rond un vase attaché à une corde jusqu'à ce que la corde, à force d'être torse, devienne en quelque sorte inflexible, si on met ensuite de l'eau dans ce vase, & qu'après avoir laissé prendre à l'eau & au vase l'état de repos, on donne à la corde la liberté de se détortiller, le vase acquérra par ce moyen un mouvement qui se conservera très longtemps : au commencement de ce mouvement la superficie de l'eau contenue dans le vase restera plane, ainsi qu'elle l'était avant que la corde se détortillât; mais ensuite le mouvement du vase se communiquant peu à peu à l'eau qu'il contient, cette eau commencera à tourner, à s'élever vers les bords, & à devenir concave, comme je l'ai éprouvé, & son mouvement s'augmentant, les bords de cette eau s'élèveront de plus en plus, jusqu'à ce que les révolutions s'achevant dans des temps égaux à ceux dans lesquels le vase fait un tour entier, l'eau 14 sera dans un repos relatif par rapport à ce vase. L'ascension de l'eau vers les bords du vase marque l'effort qu'elle fait pour s'éloigner du centre de son mouvement, & on peut connaître & mesurer par cet effort le mouvement circulaire vrai & absolu de cette eau, lequel est entièrement contraire à son mouvement relatif; [Là je pense qu'il y a un bug logique : la translation transforme le circulaire en zigzag NduRecopieur] car dans le commencement où le mouvement relatif de l'eau dans le vase était le plus grand,



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