par Julie Amadis
Sur les forums Usenet-Google, une réponse de l'alias Dob au texte « Les enfants aiment aider les autres ».
Voici la copie de la réponse postée sur les forums.
On 28 fév, 22:59, "Dobb"
> "Julie Amadis" :
>
> > Les élèves en difficulté acceptent volontiers qu'on les aide. Mais ce
> > qu'ils préfèrent par-dessus tout c'est expliquer aux autres quand ils
> > ont compris.
> > C'est pour cette raison que je pense que la solidarité est inhérente à
> > l'être humain.
>Dobb : Oui, en ajoutant néanmoins que, pour les humains, "solidarité bien
> ordonnée commence par soi-même". Que des enfants choyés et
> à l'abri des besoins primaires soient "solidaires" les uns des autres,
> quoi d'étonnant ? Aider les autres est un truc qui fait plaisir à son
> égo. C'est pour soi-même, pour son propre plaisir égoïste qu'on
> aide (ou qu'on prétend aider) les autres. Les autres sont des alibis.
>
D'après la définition du dictionnaire, Larousse 1989, égoïsme : "tendance qui porte un individu à se préoccuper exclusivement de son propre plaisir et de son propre intérêt sans se soucier de ceux des autres".
L'enfant qui aide son camarade de classe à comprendre et à résoudre un exercice de maths ne se préoccupe pas exclusivement de son propre plaisir. Car, il est impossible d'"enseigner" (c'est ce que font d'une certaine façon et dans une moindre mesure ces enfants) sans se mettre à la place de l'autre. D'une façon générale, à partir du moment où quelqu'un use de techniques de communications diverses (paroles, gestes) afin que son interlocuteur acquière de nouvelles compétences ou connaissances, il est altruiste.
Définition d'altruisme (dictionnaire Larousse 1989) : "Tendance à s'intéresser aux autres, à se montrer généreux et désintéressé."
>Dobb : Aider les autres est un truc qui fait plaisir à son égo. C'est pour soi-même, pour son propre plaisir égoïste qu'on aide (ou qu'on prétend aider) les autres. Les autres sont des alibis.
Pour vous, à partir du moment ou une personne éprouve du plaisir en agissant d'une certaine façon, c'est qu'elle est égoïste. Mais, ce n'est pas parce que ces enfants peuvent retirer une fierté personnelle en aidant les autres qu'ils sont égoïstes. Dans votre logique judéo-chrétienne, l'altruisme irait de pair avec la souffrance.
> > On entend souvent, dans notre société, le discours inverse :
> > "L'homme est naturellement mauvais". .
>
>Dobb : Si l'homme était naturellement "bon" (dans le sens altruisto-
> judéo-chrétien du terme), comment expliquez-vous qu'il
> ait pu engendrer des sociétés de classes ? Je vous rappelle
> que les sociétés initiales (chasseurs-cueilleurs) étaient des
> sociétés sans classes. ? Aider les autres est un truc qui fait plaisir à son
> égo. C'est pour soi-même, pour son propre plaisir égoïste qu'on
> aide (ou qu'on prétend aider) les autres. Les autres sont des alibis.
>
Je vous remercie de rappeler l'existence de sociétés communistes primitives. Rosa Luxembourg y consacre un chapitre dans son ouvrage introduction à l'économie politique. Elle y détaille les recherches qu'on a pu faire sur celles ci.
"Von Maurer, pour la première fois, rassembla toutes les découvertes isolées en une grande et audacieuse théorie et démontra en s'appuyant sur une énorme documentation et des recherches très approfondies sur d'anciens documents et des textes juridiques, que le propriété commune du sol n'était pas née à la fin du Moyen Age, mais était la forme primitive typique et générale des colonies germaniques dont l'histoire écrite ne sait rien encore, régnait chez les Germains un état de choses foncièrement différent de la situation actuelle."
Ces sociétés sans classe n'ont pas existé uniquement dans le cas du stade de développement chasse cueillette. Von Maurer décrit des sociétés agricoles :
"La tribu, regroupant plusieurs communautés, une centaine en général, n'intervenait pratiquement que comme instance juridique et militaire suprême. Cette organisation sociale constituait, comme Von Maurer l'a démontré dans les douze volumes de son grand ouvrage, le fondement et en même temps la plus petite cellule du tissu sociale depuis le début du moyen Age jusqu'assez avant dans l'époque moderne, de sorte que les fermes, les villages et les villes féodales se sont formés par modifications diverses à partir de ces communautés, dont on trouve encore de nos jours des vestiges dans certaines régions d'Europe centrale et nordique".
>Dobb : comment expliquez-vous qu'il
> ait pu engendrer des sociétés de classes ? Je vous rappelle
> que les sociétés initiales (chasseurs-cueilleurs) étaient des
> sociétés sans classes.
Rosa Luxembourg explique que ces sociétés primitives ont résisté face aux puissances colonisatrices et exploiteuses.
"A ces méthodes plus anciennes de colonisation qui sont encore florissantes à l'occasion jusque de nos jours et n'ont jamais cessé d'être pratiquées, il s'agissait maintenant d'ajouter une nouvelle méthode plus persistante et plus systématique d'exploitation des populations coloniales pour l'enrichissement de la "métropole". Deux facteurs devaient y pourvoir : d'une part, l'imposition permanente de la population. Dans ce double effort, les puissances coloniales européennes se heurtèrent à un obstacle remarquable autant que solide : les rapports de propriété particuliers des autochtones opposaient au pillage par les Européens la résistance la plus tenace".
Elle prend pour exemple les Indiens d'Amérique. Ils ne connaissent pas la notion de propriété et voient arriver les Européens et leur fonctionnement capitaliste. Leur réaction première est de résister pour sauvegarder leur société altruiste et d'empêcher que les colons ne la transforment en système inégal et injuste.
On connaît la tragédie de ces sociétés. Les Européens égoïstes et sanguinaires ont exterminé tous ces résistants au capitalisme.
Je vais me répéter, Monsieur Dobb, "l'homme est naturellement altruiste", la preuve, il est prêt à risquer sa vie pour que règne la justice, l'égalité et la liberté. Mais les sociétés exploiteuses transforment les humains en fauves prêts à tuer pour la propriété.
Mais fort heureusement, ces fauves fous (la métaphore n'est pas assez puissante pour décrire la brutalité de ces hommes car les fauves ne tuent pas leur semblable) sont très minoritaires dans le monde. Et, donc, on ne peut, scientifiquement s'en servir comme modèle pour en tirer des lois générales sur la nature humaine.
Vous voyez bien que ces populations "sans classe" n'ont pas évoluées en société de classes intrinsèquement, de façon "naturelle" mais qu'elles ont résisté avant d'être décimés par cette minorité d'exploiteurs sanguinaires..
> > Cet argument est souvent
> > utilisé pour défendre une idéologie contrerévolutionnaire
>
> Dobb : Il est le fondement d'un idéal d'organisation sociale basée
> d'une part sur le rejet de tout pouvoir absolu (y compris
> de l'Etat) qui sera forcément toujours mauvais et totalitaire,
> et d'autre part sur la création d'un équilibre de la terreur entre
> organisations humaines. Plus il y a d'organisations, mieux
> c'est, car moins elles ont ainsi de pouvoir (le pouvoir est
> dilué entre organisations concurrentes), et plus les individus
> conservent leur liberté.
>
> L'équilibre de la terreur se retrouve partout. La concurrence
> entre entreprises permet d'abaisser les prétentions de chaque
> entreprise, alors qu'un monopole conduit inévitablement à
> des abus de position dominante. Un monopole naturellement
> bon, ça n'existe pas.
>
> Un autre équilibre de la terreur oppose les organisations
> syndicales aux organisations patronales. Chacun y défend son
> beefsteak, et, fort heureusement, personne n'a le monopole :
> c'est l'existence des 2 qui permet aux individus de trouver un
> équilibre.
>
> Au niveau politique, la démocratie, c'est un équilibre de la
> terreur entre les partis d'une part, et l'opinion des gens d'autre
> part. Si les politiciens tirent trop sur la corde, ils se font éliminer
> lors des élections.
>
Le système électoral tel qu'on le connaît n'élimine pas les mauvais, bien au contraire. Ce sont les meilleurs engraineurs, les meilleurs baratineurs qui gagnent. Quoi de plus facile que de faire des tas de promesses. Une fois que le candidat est élu; il fait ce qu'il veut. Il ne pourra pas être destitué.
Pour que les "bons" gagnent, il faudrait au minimum, que la révocabilité des élus soit inscrite juridiquement.
> Dobb : Mais certaines structures (comme l'État) n'ont pas de contre-
> pouvoir assez forts, capables de leur inspirer de la terreur. Et
> c'est bien ça le problème...
>
> > Puisque l'homme est naturellement mauvais, cela ne sert à rien
> > d'essayer de changer le monde !
>
> Dobb : Ridicule. On peut le changer en affaiblissant tous les pouvoirs, en
> créant tous les contre-pouvoirs possibles et imaginables.
>
> Le frein principal est cette gnangnantise rousseauiste, cette idée
> qu'un pouvoir absolu, censé dans leur esprit "représenter" tous
> les humains (on se demande bien comment...) puisse un jour
> être "bon".
>
> Dobb
Je résume votre pensée. Nous sommes tous égoïstes. L'altruisme n'existe pas. Alors, la seule façon d'empêcher que le monde ne devienne totalement sanguinaire, c'est de favoriser au maximum la concurrence et pour cela créer un maximum d'organisations. Vous utilisez sans cesse le terme "terreur". Les humains n'avanceraient positivement que par la peur de l'autre. Le fait de penser que " la terreur" peut être positive pour la société humaine est fasciste.
Rosa Luxembourg Introduction à l'économie politique. Editions 10-18 (Christian Bourgois)
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